Définition de ENNEMI, IE

DÉFINITIONS - PROVERBES - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : è-ne-mi, mie ; du temps de Chifflet, Gramm. p. 192, la prononciation annemi était reçue à côté de l'

DÉFINITIONS

1
Celui, celle qui hait quelqu'un, et cherche toutes les occasions de lui nuire. Un ennemi déclaré. Ennemi mortel, irréconciliable.
Lorsque l'on veut choquer un puissant ennemi
Tu fus mon ennemi même avant que de naître
Ô soupirs ! ô respect ! ô qu'il est doux de plaindre Le sort d'un ennemi quand il n'est plus à craindre !
Il est doux de périr après ses ennemis
L'ennemi qui flatte est le plus dangereux
Si votre ennemi a faim, donnez-lui à manger ; s'il a soif, donnez-lui de l'eau à boire
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Prov. de Salomon, XXV, 21
Le plus fier ennemi, quelque ardeur qui l'enflamme....
Notre ennemi, c'est notre maître, Je vous le dis en bon français
Entre nos ennemis Les plus à craindre sont souvent les plus petits
de Jean de LA FONTAINE dans ib. II, 9
Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami ; Mieux vaudrait un sage ennemi
de Jean de LA FONTAINE dans ib. VIII, 10
Venez voir à vos pieds tomber vos ennemis
Ne craignez plus ; votre ennemie expire
Vivre avec ses ennemis comme s'ils devaient un jour être nos amis, et vivre avec nos amis comme s'ils pouvaient devenir nos ennemis, n'est ni selon la nature humaine ni selon les règles de l'amitié
de Jean de LA BRUYÈRE dans IV
Un ennemi nuit plus que cent amis ne servent
de LAMOTTE dans Fabl. v, 4
Ma manière d'agir, ma critique et mes ris M'attireraient bientôt un monde d'ennemis
Votre père et moi, je l'avoue, nous avons été longtemps ennemis l'un de l'autre
Un ennemi, dit un célèbre auteur, Est un soigneux et docte précepteur, Fâcheux parfois, mais toujours salutaire Et qui nous sert sans gage ni salaire
Lorsqu'on dit d'un homme qu'il a des ennemis, il faut, avant de le juger, bien regarder s'il a mérité d'en avoir
J'ai des ennemis, mais je ne hais personne
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éduc. Ennem. génér. I, 5
Un ennemi juré, celui qui a fait comme le serment de haïr quelqu'un. Ils sont ennemis jurés.
Se faire des ennemis, donner lieu à beaucoup de gens de nous en vouloir.
Un ennemi de Dieu, un impie.
Hélas ! si, pour venger l'opprobre d'Israël, Nos mains ne peuvent pas, comme autrefois Jahel, Des ennemis de Dieu percer la tête impie, Nous lui pouvons du moins immoler notre vie
Un ennemi de l'État, un séditieux, un agent de trouble.
Être ennemi de soi-même, nuire à ses propres intérêts.
Non, Cléone, il n'est point ennemi de lui-même
Quel caprice vous rend ennemi de vous-même ?
Elle serait bien ennemie d'elle-même, si elle ne le croyait pas
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans la Folle enchère, sc. 4
Sémantique : Familièrement. Ennemi de nature, celui qui s'oppose à ce que la nature demande ou pour soi ou pour les autres.
Sémantique : Fig.
Ainsi donc, philosophe à la raison soumis, Mes défauts désormais sont mes seuls ennemis
Et ses heureux vaisseaux N'eurent plus d'ennemis que les vents et les eaux
2
L'ennemi du genre humain, et, absolument, l'ennemi, le démon.
S'il arrivait qu'à la mort l'ennemi eût quelque prétention sur vous
C'est là que se forgent ces traits de feu, selon les termes de l'apôtre, dont l'ennemi se sert pour allumer les passions dans ces âmes vaines qui sont les idoles du monde, et dont le monde lui-même est l'idole
Sémantique : Fig. Il a été bien tenté de l'ennemi, se dit d'un homme qui a fait quelque mauvaise action.
3
Sémantique : Par extension, ennemi se dit pour signifier ce qui nous est utile ou même nous plaît, en le considérant par le seul côté où il nous nuit ou nous déplaît ; ainsi l'amante est l'ennemie de l'amant, parce qu'elle ne cède pas à ses désirs, etc.
Fuyez un ennemi qui blesse par la vue, Et dont le coup mortel vous plaît quand il vous tue
Hippolyte, en partant, fuit une autre ennemie ; Je fuis, je l'avouerai, cette jeune Aricie
Nature : S. f. Par antiphrase. Une femme qu'on aime et qui oppose des rigueurs. Une belle ennemie.
Vers ma belle ennemie Portons sans bruit nos pas, Et ne réveillons pas Sa rigueur endormie
4
Sémantique : Terme de guerre. Les gens, l'armée, la nation contre laquelle on combat. L'ennemi est en forces. Marcher à l'ennemi. Battre, repousser l'ennemi, les ennemis.
Après vous avoir ouï condamner la conduite de nos officiers par les événements et vous avoir vu triompher des victoires de nos ennemis
À quelque heure et de quelque côté que viennent les ennemis, ils le trouvent toujours sur ses gardes, toujours prêt à fondre sur eux et à prendre ses avantages
Et qui peut dissiper Tous les flots d'ennemis prêts à l'envelopper ?
Annibal fugitif cherchait au peuple romain un ennemi par tout l'univers
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Goût, curiosité.
Nos soldats [à Moscou] rencontraient ces vaincus sans animosité, soit qu'ils crussent la guerre finie, soit insouciance ou pitié et que, hors du combat, le Français se plaise à n'avoir plus d'ennemis
Passer à l'ennemi, déserter et prendre service chez l'ennemi ; et fig. quitter un parti et se mettre avec ses adversaires.
5
Sémantique : Terme d'astrologie. Maison des ennemis, le douzième signe du zodiaque.
6
Il se dit des animaux. Le chat est ennemi de la souris.
7
Sémantique : Par extension, celui, celle qui a de l'aversion, de l'éloignement pour certaines choses. Ennemi des procès. Ennemi de la contrainte. Ennemi du bon sens.
Les habitants étaient trop ennemis du travail
J'étais trop ennemi des affaires et trop inappliqué
Matta n'était point ennemi de la galanterie
8
Il se dit des choses qui sont opposées. Cette herbe est ennemie de la vigne. L'eau et le feu sont ennemis. L'orgueil est l'ennemi des vertus.
La raison et l'amour sont ennemis jurés
La médisance est l'ennemi le plus mortel de la charité
de BOURDALOUE dans 11e dim. après la Pent. Dominic. t. III, p. 247
9
Nature : Adj. Hostile. Des peuples ennemis. L'armée ennemie.
[Elle] ne redoutera point de puissance ennemie
[Aucuns] qui ne vous aient été moins ennemis que lui
Elle m'a fatigué de ce nom ennemi
Mais je ne vois partout que des yeux ennemis
Qui hait.
Et ma bouche et mes yeux du mensonge ennemis
Contraire.
Ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie !
Quelque peu qu'on lui dise, on craint de lui trop dire, à peine on se hasarde à jurer qu'on l'admire ; Et, pour apprivoiser ce respect ennemi, Il faut qu'en dépit d'elle elle s'offre à demi
De peur que cette voix des destins ennemis Ne fût aussi funeste à la fille qu'au fils
Les qualités excessives nous sont ennemies et non pas sensibles ; nous ne les sentons pas, nous les souffrons
Qu'il soit comme le fruit en naissant arraché, Et qu'un souffle ennemi dans sa fleur a séché
Je fuis ; ainsi le veut la fortune ennemie
Astre ennemi, se dit, par une métaphore tirée de l'astrologie, d'une influence malfaisante, d'un destin funeste.
Sous quel astre ennemi faut-il que je sois née ?
Des astres ennemis j'en crains moins le courroux
Sémantique : Terme de peinture. Des couleurs ennemies, couleurs qui ne s'assortissent pas.
En un autre sens, couleurs qui, mêlées ensemble sur la palette ou sur la toile, se détruisent l'une l'autre matériellement et en peu de temps.
Pôles ennemis, les pôles qui se repoussent, en parlant des aimants.

PROVERBES

1
Le mieux est l'ennemi du bien, on gâte souvent ce qu'on cherche trop à améliorer.
2
Plus de morts, moins d'ennemis.
3
Exemple : C'est autant de pris sur l'ennemi, se dit quand on a attrapé quelque chose à celui qui, nous devant, ne nous paye pas, ou quand on a retiré quelque chose d'une mauvaise affaire.
Mais bien que la douleur honore, Que servira d'avoir gémi ? Puisqu'ici nous rions encore, Autant de pris sur l'ennemi
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Dernière chans.
4
Exemple : Amis au prêter, ennemis au rendre, c'est-à-dire qu'on se brouille quand celui qui a prêté de l'argent le redemande.
5
Il n'y a point de petit ennemi.

HISTORIQUE

1
Xe s.
Voldrent la veintre li Deo inimi [les ennemis de Dieu]
dans Eulalie
2
XIe s.
Li reis Marsile est moult mis enemis
dans Ch. de Rol. X
3
XIIe s.
Car à vos els [yeux] veez les enemis
dans Ronc. p. 56
Car qui ce tolt [ravit] dont [il] ne peut faire don, Il en conquiert [s'en fait] enemis et melée
dans Couci, VI
S'or i laissons [en la Terre sainte] nos ennemis mortieus [mortels], à tousjours mais ert [sera] nostre vie honteuse
de QUESNES dans Romanc. p. 95
Il a plus d'anemis que lievres en essart [en lande]
dans Sax. XXIX
4
XIIIe s.
Li rois de Hungrie, qui anemis estoit à ceus de l'ost
Ne soufrez qu'anemy [le diable] ait sus moi poesté
dans Berte, XLV
Envie est de tel cruauté Qu'ele ne porte leauté à compaignon ne à compaigne ; N'ele n'a parent, tant li tiengne, à cui el ne soit anemie
dans la Rose, 252
5
XIVe s.
Envoier vous y fault et mander par escrips, Pour savoir s'il voldra estre nos anemis
dans Guesclin. 9896
Et on dit adès : biaux amis, De plus d'amis mains [moins] d'anemis
de MACHAUT dans p. 116
6
XVe s.
Leur avoit esté grand ennemi
Puis Pise et Florence avaient esté trois cens ans ennemies, avant que Florentins la conquissent
de Philippe de COMMINES dans VIII, 3
Annemy ne dort
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 239
7
XVIe s.
Le Veronois, terre ennemie [des Venitiens]
de Michel de MONTAIGNE dans I, 14
Cette practique, ennemie de leur style ancien
de Michel de MONTAIGNE dans I, 23
Je suis ennemy des actions subtiles et feintes
de Michel de MONTAIGNE dans I, 96
Ennemy juré de....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 103
De son ennemy reconconcilié il se faut garder
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 287

ÉTYMOLOGIE

1
Berry, hinnemi, innemi, annemin ; provenç. enemic ; catal. enemig ; espagn. enemigo ; portug. inimigo ; ital. nemico ; du latin inimicus, de in, négatif, et amicus, ami.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
ENNEMI. Ajoutez : - REM. La Fontaine a dit ennemi à :... Notre étourdie Aveuglément se va fourrer Chez une autre belette aux oiseaux ennemie, Fabl. II, 5. C'est une bonne tournure employée aussi par Pascal (voy. ENNEMI, au n° 9).